Le crédit-bail, appelé aussi leasing, est un mode de financement largement utilisé par les entreprises marocaines pour l’acquisition de biens d’équipement, notamment les véhicules. Ce mécanisme, proche de la location avec option d’achat, soulève des enjeux comptables et fiscaux qu’il convient de bien maîtriser.
1. Définition du crédit-bail
Le crédit-bail est un contrat par lequel un organisme financier met à disposition un bien (voiture, matériel, etc.) contre des loyers réguliers. À l’issue du contrat, l’entreprise peut lever l’option d’achat et devenir propriétaire du bien. Au Maroc, ce financement est réservé aux biens meubles corporels (équipements, matériel, véhicules, informatique, etc.). Les fonds de commerce, droits au bail ou autres actifs incorporels ne peuvent pas être financés par crédit-bail.
2. Pourquoi recourir au crédit-bail ?
- Préserver la trésorerie : pas besoin d’immobiliser immédiatement le capital.
- Souplesse financière : loyers échelonnés dans le temps.
- Optimisation fiscale : les loyers constituent des charges déductibles dans certaines limites. Exemple : financer un matériel dont l’amortissement normal est de 10 ans sur un contrat leasing de 6 ans permet d’accélérer la déduction des charges.
- Renouvellement d’actifs : facilité pour actualiser régulièrement la flotte ou les équipements.
3. Traitement comptable et fiscal au Maroc
Les loyers de crédit-bail sont comptabilisés en charges d’exploitation au compte 6132 – Redevances de crédit-bail. Fiscalement, la déduction est en principe admise, mais certaines restrictions existent, notamment pour les véhicules de tourisme (plafond fiscal).
4. Véhicule de tourisme, voiture de service ou véhicule utilitaire ?
La distinction est essentielle et souvent source de confusion :
- Véhicule de tourisme : destiné au transport de personnes, même si utilisé comme voiture de service (ex. berline, SUV). Limitation fiscale : plafond 360 000 DH TTC, amortissable sur 5 ans. La TVA n’est pas récupérable.
- Véhicule utilitaire : véhicule conçu pour le transport de marchandises ou avec un aménagement spécifique (pick-up, fourgonnette). Pas de limitation spécifique → déduction intégrale possible.
- Voiture de service : c’est une utilisation (mise à disposition des salariés) et non une catégorie technique. Elle peut être soit un véhicule de tourisme, soit un utilitaire → le traitement fiscal dépend de la nature du véhicule.
5. Le premier loyer majoré : vigilance fiscale
De nombreux contrats de crédit-bail prévoient un premier loyer majoré. Il s’agit d’une pratique très répandue dans la vie économique et en principe admise en déduction fiscale, à condition qu’elle reste raisonnable et ne vise pas uniquement à réduire artificiellement l’impôt.
En cas d’abus (ex. loyer excessivement élevé pour diluer le résultat imposable), l’administration peut requalifier l’opération et procéder à un redressement pour abus de droit. La prudence s’impose donc.
6. Exemple pratique chiffré
Encadré pratique — Exemple chiffré
Contexte : véhicule de tourisme acheté pour 500 000 DH TTC, financé en crédit-bail. Plafond fiscal applicable : 360 000 DH TTC (article 10-II-B-4° CGI).
- Durée d’amortissement retenue (hypothèse) : 5 ans (amortissement linéaire).
- Base fiscale maximale admise : 360 000 DH TTC → annuité fiscale max = 360 000 ÷ 5 = 72 000 DH / an.
- Annuité comptable théorique (sur coût réel 500 000 DH) = 500 000 ÷ 5 = 100 000 DH / an.
Cas A — Acquisition en début d’exercice (12 mois)
• Annuité admise fiscalement = 72 000 DH.
• Annuité comptable = 100 000 DH → réintégration annuelle = 28 000 DH.
Cas B — Acquisition en cours d’exercice (ex. septembre → 4 mois d’utilisation)
- Annuité fiscale admise (prorata) = 72 000 × (4/12) = 24 000 DH.
- Annuité comptable (prorata) = 100 000 × (4/12) = 33 333 DH.
- Réintégration fiscale = 9 333 DH pour l’exercice.
À retenir : la limite de 360 000 DH TTC se rapporte à la base fiscale admise et se répartit sur la durée d’amortissement. En cas d’acquisition en cours d’année, il faut appliquer le prorata temporis.
7. Points d’attention pour les chefs d’entreprise
- Respecter la limite fiscale de 360 000 DH TTC pour les véhicules de tourisme.
- Bien distinguer tourisme vs utilitaire : une confusion entraîne souvent des redressements.
- Réintégrer fiscalement chaque année la part excédentaire (au-delà de la limite).
- Éviter les premiers loyers excessifs, sous peine d’abus de droit.
- Conserver la documentation (contrats, factures, calculs de réintégration).
8. Conclusion
Le crédit-bail est une solution de financement attractive et courante au Maroc. Il permet de préserver la trésorerie, d’optimiser la fiscalité et de renouveler plus facilement les équipements. Toutefois, la réglementation fiscale impose des limites strictes, en particulier pour les véhicules de tourisme. Les chefs d’entreprise et comptables doivent être attentifs au plafond de 360 000 DH TTC, au traitement du premier loyer majoré et à la distinction entre véhicules de tourisme et utilitaires. Une bonne maîtrise de ces règles permet d’éviter tout risque de redressement fiscal.