Conventions réglementées au Maroc — guide pratique
Les relations contractuelles entre une société et ses dirigeants (ou associés dans une SARL) sont strictement encadrées. La loi marocaine distingue trois catégories principales de conventions :
1. Conventions interdites
Base légale : Art. 62 loi n°17-95 (SA) et Art. 66 loi n°5-96 (SARL).
Il est interdit aux dirigeants (et aux associés de SARL) — directement ou par personne interposée — de :
- Contracter des emprunts auprès de la société ;
- Se faire consentir un découvert (compte courant débiteur) ;
- Faire cautionner leurs engagements personnels par la société.
2. Conventions libres
Les conventions sont dites libres lorsqu’elles portent sur des opérations courantes, conclues à des conditions normales (conditions commerciales identiques à celles appliquées aux tiers). Ces opérations relèvent de l’objet social de la société et n’exigent pas d’autorisation particulière.
Exemples : achat de fournitures à un associé aux conditions du marché ; prestation de services standard facturée aux mêmes prix que pour les clients tiers.
3. Conventions réglementées — définition & procédure
Toutes les conventions non interdites et non courantes sont des conventions réglementées. Elles exigent une procédure d’autorisation et de contrôle destinée à prévenir les conflits d’intérêts.
Procédure (SA à conseil d’administration) — synthèse
| Étape | Description |
|---|---|
| 1. Autorisation préalable | Demande d’autorisation au Conseil d’administration — l’administrateur/directeur intéressé ne prend pas part au vote. (Art.56 loi n°17-95) |
| 2. Information du commissaire aux comptes | Le Président avise le commissaire aux comptes dans les 30 jours suivant la conclusion de la convention. |
| 3. Rapport spécial | Le commissaire aux comptes rédige un rapport spécial (énumération, nature, modalités, importance), présenté à l’AGO. |
| 4. Approbation AGO | L’Assemblée générale ordinaire approuve ou désapprouve la convention ; les personnes intéressées s’abstiennent de voter. |
| 5. Effets en cas de refus | La convention reste valable vis-à-vis des tiers ; toutefois, si l’AGO désapprouve, les personnes concernées peuvent être tenues responsables des préjudices causés à la société (Art.60). |
4. Procédures selon le type de société
La procédure se décline selon la forme sociale :
| Type | Principales étapes |
|---|---|
| SA (conseil d’administration) | Information du Conseil → Autorisation préalable → Information commissaire aux comptes → Rapport spécial → Approbation AGO |
| SARL | Information du gérant → Information / rapport au commissaire aux comptes (si existant) → Approbation AGO |
| SA (directoire + conseil de surveillance) | Information conseil de surveillance → Autorisation → Avis au commissaire aux comptes → Approbation AGO |
5. Conséquences pratiques et bonnes pratiques
- Transparence : documenter la nature, le prix, les garanties et les contreparties.
- Préparation du rapport du CAC : fournir au commissaire aux comptes toutes pièces nécessaires (contrats, factures, PV de réunions).
- Conflits d’intérêt : les personnes concernées doivent s’abstenir de voter et l’AGO doit statuer en toute indépendance.
- Responsabilité : en cas de préjudice causé à la société, les dirigeants peuvent être tenus responsables financièrement.
6. Schéma synthétique (quick-reference)
| Type de convention | Autorisation requise | Effet vis-à-vis des tiers |
|---|---|---|
| Conventions interdites | Aucune — interdites | Nullité absolue ; sanctions pénales / civiles possibles |
| Conventions libres | Aucune | Valables et opposables |
| Conventions réglementées | Autorisation Conseil / Approbation AGO après rapport CAC | Valables vis-à-vis des tiers ; responsabilité possible envers la société |
- Loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes — articles 56 à 62
- Loi n°5-96 relative aux SARL — article 66